Tunis — Le parquet a ouvert une enquête sur des soupçons de corruption liés à un marché de masques médicaux obtenu par un député au parlement et membre de la commission parlementaire de l’industrie. Les accusations, confirmées par le parquet, la Commission nationale anti-corruption, ont mis dans l’embarras le chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh, d’autant plus que le parlementaire accusé appartient au bloc réformateur, un fort soutien de la coalition au pouvoir.
Le député Jalel Zayati, qui fait l’objet de cette enquête, a déclaré avoir reçu un appel téléphonique du ministre de l’Industrie pour la production et la livraison de deux millions de masques de protection en sa qualité d’homme d’affaires et non de législateur. Cela, selon Zayati, a eu lieu avant l’ordre émis par le gouvernement de produire 30 millions de masques dans le cadre d’une mesure préventive pour lutter contre l’épidémie du coronavirus.
M. Zayati a expliqué que le ministre lui avait demandé s’il était capable de fabriquer environ deux millions de masques médicaux en moins de deux semaines, et à un prix ne dépassant pas 1,9 dinars tunisiens par masque (environ 0,65 dollar). Le ministre de l’Industrie, Salah Ben Youssef, a nié savoir que l’usine qu’il avait contactée appartenait à un parlementaire et que sa demande ne nécessitait pas un appel d’offre. Il a ajouté que sa démarche n’était qu’une demande directe de fournir une quantité de masques au public.
Il s’agit là d’un marché juteux qui vaut plus de 20 milliards, d’après les premières estimations. Une opportunité aussi, pour les opérateurs du textile, frappés de plein fouet par la crise engendrée par la pandémie du Covid 19. Un cahier des charges technique, a été élaboré, à la hâte, par la commission précitée, pour la confection de ces masques multicouches en tissu. Des hommes d’affaires informés des critères techniques de confection des masques, se seraient rués sur le marché, pour un achat massif de toutes les quantités disponibles du tissu recommandé pour la fabrication des bavettes.
Ces derniers jours, la Commission nationale de lutte contre la corruption a soumis 11 rapports au ministère public pour enquêter sur des soupçons de corruption liés à deux accords sur la fabrication de masques. « Nous avons reçu, depuis une semaine, 11 alertes concernant des soupçons de corruption et des conflits d’intérêt relatifs à la confection de 30 millions de masques», déclare le conseiller juridique de l’Instance Nationale de lutte contre la corruption (INLUCC).
Les investigations judiciaires ont confirmé des preuves de corruption impliquant deux accords conclus pour la livraison de 30 millions de masques de protection non médicaux et deux autres millions de masques pour les ministères de l’Industrie, de la Santé et du Commerce. Le procureur de la République, auprès du Tribunal de Première instance de Tunis a été saisi et la brigade économique et financière a été chargée de l’enquête.