Le déconfinement arrive. Une excitation pour les uns, une inquiétude pour les autres tandis que Le Ministère de la Santé évoque un déconfinement sur deux mois par tranches. Ça ne veut pas dire que la crise est passé, mais il semblerait que le pire soit derrière nous. Tournons-nous vers l’avenir et retenons quelques enseignements de cette crise en dotant les Tunisiens d’un vrai service publique, capable de répondre aux besoins vitaux de la population.
Une doxa qui s’effondre
Le secteur publique est une plaie, un handicap, un frein, une guerre, un parasite.. en somme, le mal existentiel de l’économie Tunisienne venait de là pour l’économisme lamba. Et puis, tout d’un coup quand c’est la santé qui fut menacé – la déconstruction s’est entamé. Et si nous avions besoin d’hôpitaux ? Et si, ce qu’on nous vendait comme un calcul simple (plus de privé, plus de croissance = plus de croissance, plus de bonheur) n’était qu’un mythe ?
Quand l’hôpital s’effondre, la Tunisie s’effondre. Peut-être, est-il temps, que l’éducation et la santé publique repassent au cœur des investissements et soient les premiers bénéficiaires d’un nouveau système de cotisations sociales : plus solidaire et plus proportionnelle aux moyens de chacun. Si l’on veut tous êtres concernés, il faut que le service publique se dote d’une qualité capable d’en faire un choix, même pour les Tunisiens les plus privilégiés.
Or, la flexibilité et le flou dont dispose fiscalement les cliniques, écoles, collèges, lycées et universités privés empêche d’obtenir les fonds nécessaire au réinvestissement dans le public. Ainsi, l’assiette fiscale de l’État est si réduite que d’année en année, les services publics ont de moins en moins de moyens.. et la qualité ne fait que se dégrader. Et quand une crise de cette ampleur vient se déclarer, à contrario des revenus du privé, la classe populaire se meurt.
Fermeté dans les actes et renouveau dans le débat
Si l’on se doit de retenir une seule leçon, c’est qu’il faut sortir du débat unique, de la méthode unique et de la vision économique porté uniquement sur les indicateurs libéraux. Bourguiba l’avait assumé bien plus tôt, l’IDH est plus important que la croissance. L’éveil d’un environnement propice à la création de richesse ne dépend des conditions à la création, mais de l’effectif capable d’y aboutir – ainsi le plus important est de fournir à toutes les couches sociales le capital culturel nécessaire pour produire et créer.
Dans notre débat public, c’est un effectif réduit ayant joui des inégalités d’accès à l’éducation pour obtenir ce capital culturel qui demandent qu’on libéralise les conditions de production – conséquences direct de cette demande, l’augmentation des inégalités et la fermeture définitive de ce circuit. Les pauvres de moins en moins éduquées, et les riches de plus en plus entreprenants.
La fermeté dans les actes se traduit par un engagement sans failles de l’État à réduire ses inégalités avant de penser à fermer le circuit. Les outils de l’ascension sociale ne sont pas garantis tant que les hôpitaux sont un cimetière ambulant et que le décrochage scolaire, une fatalité tolérée. On ne peut pas prôner un retour à la compétition quand il y a une concentration si drastique des savoirs, des outils, des biens et de la richesse chez une frange sociale ultra-minoritaire. Personne n’aura la capacité de rivaliser.
Le débat doit se concentrer sur le besoin de justice sociale. Car nos prochains défis seront de taille et la crise Covid-19 doit nous apprendre que l’handicap majoritaire à la gestion de crise, c’est les inégalités de protection vis-à-vis de cette dernière. Ainsi, nous manquerons cruellement de capacité de réponse face aux prochaines épidémies, aux crises alimentaires, énergétiques mais aussi la réchauffement climatique, l’embryon de ces problématiques que l’on traite d’un irresponsable silence.
Par Amine Snoussi, auteur, essayiste et étudiant en Science Politique a Paris 8