Tozeur — Les réseaux sociaux sont en pleine ébullition ces derniers 48 heures et pour cause les images et vidéos venants directement du sud du pays montrant des braconniers qataries lourdement équipés : un Airbus, hélicoptère, Véhicules tout terrain 4×4 tout ça dans un silence radio des hautes autorités de l’état.
Le premier à lancer l’alerte est un activiste de la société civile et président de l’Association « Tunisie Écologie », Abdelmajid Dabbar, qui a posté l’alerte avec des images à l’appui sur les réseaux sociaux.
Le président de l’Association Tunisie Écologie (ATE), Abdelmajid Dabbar a dénoncé, vendredi 08 janvier, une action de braconnage éminente des espèces protégées dans le sud désertique du pays par des acteurs qataries.
« Il n’est plus acceptable d’être témoin des graves délits sur notre patrimoine et de juste constater dans le silence sans réagir et sans dénoncer la violation de notre territoire, a-t-il lancé sur son compte Facebook vendredi soir.
« C’est trop, c’est criminel, c’est honteux et c’est très grave ce qui se passe dans le sud ouest de la Tunisie. Arrêtez de crier en utilisant vos slogans (de mensonge) et de parler de la dignité et sans toutefois dénoncer les agresseurs qui débarquement encore sur un 3ᵉ avion qui vient d’arriver ce vendredi 8 janvier dans notre pays en envahisseurs et colonisateurs avec du matériel du braconnage et encore des faucons, » s’est -il insurgé.
Y a t il un article digne d intérêt sur ces histoires de braconnage dans le sud ouest de la Tunisie (et sur la régulation de la chasse dans la région) ? https://t.co/y354qZeLJO
— adel m. (@adelmn) January 9, 2021
Comment les Qataris utilisent actuellement à Oued Shili, à l’ouest de Tozeur, la grande technologie pour fouiller dans les maquis et la steppe avec des caméras thermiques installés sur deux voitures commandées des États-Unis, dirigées par des hauts techniciens venus spécialement de l’Allemagne, et sur un hélicoptère pour la 2ᵉ année consécutive, rien que faire lever du gibier qui n’a ni bec ni ongles pour se défendre.
Une pétition en ligne a été lancée hier et a déjà récolté plus de 26.000 signature. Et un appel à l’intervention du Président de la république, Kaïes Said. « Deux avions de Qatar Airways ont atterri le 5 janvier 2021, avec armes et faucons, sur le sol tunisien à l’aéroport de Tozeur, » précise la LTDA sous le titre de Braconnage des espèces protégées. »
Ce n’est pas la première fois que des braconniers venues des pays du Golf débarquent dans le sud du pays pour exercer leur sport favori aux dépens de la faune et de la flore dans le secret le plus total.
« Les paroles de regret ne suffisent pas à exprimer ma peine, pour la perte d’une faune qui a été éradiquée depuis la moitié des années 80. Le désert du gouvernorat de Tozeur est, aujourd’hui, quasiment dépeuplé, sauf de quelques oiseaux, dont l’Outarde houbara qu’on trouve dans les régions nord du gouvernorat de Tozeur dont les régions de “Oudia” et “Edhafria”, jusqu’à la région de Ben Guécha, aux frontières algériennes », soupire Mohamed, ancien garde forestier à Tozeur au mois de janvier 2019.
Pour Mohamed, «il y a plus de deux décennies, les régions nord et est de Tozeur recelaient des gazelles, des perdrix, des outardes houbara, des lapins sauvages et des fennecs. Les gazelles étaient visibles, au début des années 90, et c’est pour cela que le ministère de l’Agriculture avait envisagé de créer le parc national de Dghoumès pour préserver cette faune ».
Et de poursuivre « les possibilités de braconnage et l’absence de sensibilisation quant à l’importance de la nature, sont les principales causes de l’afflux de délégations touristiques et d’émirs arabes de l’Arabie Saoudite, du Koweït et du Qatar mais aussi, de personnalités influentes de la région, des responsables administratifs et sécuritaires, qui ont occupé des postes de responsabilité dans la région, dans les années 90, et jusqu’aux années 2000, usant de leurs pouvoirs, alors que les parties concernées, et à leur tête le Ministère de l’Agriculture se sont désintéressés de ces violations ».
Mohamed témoigne que des personnalités influentes ont été arrêtées en flagrant délit de braconnage, au Lac Chamsa à Tozeur, qui abrite de nombreux oiseaux, ainsi que dans d’autres régions. «Malheureusement, ces violations n’étaient pas sanctionnées et l’affaire se terminait en faveur des personnalités influentes et leurs connaissances ».
Le garde forestier affirme que « cette situation n’a changé qu’en 2011, lorsque la direction régionale des forêts a pu sanctionner les braconniers, quelles que soient leurs positions et leurs fonctions ; c’est ainsi qu’entre 2012 et 2016, des faucons et des armes utilisés dans la chasse ont été confisqués et des amendes appliquées, lesquelles ont généré des revenus respectables à la direction ».
Il a rappelé qu’auparavant, « certains gens de pouvoir payaient des personnes pour reconnaitre les endroits où nichent les oiseaux dans les régions de Oudia, Edhafria, Oued Sehili, les zones de repeuplement et Ben Guecha, alors que les groupes de chasseurs arabes avaient des campements dans le désert de la région, équipés pour rester plusieurs semaines, en hiver, étant donné les bonnes conditions climatiques ».
Abdelhafidh Omri, un habitant de la région de Kechmou (délégation de Hamet Djerid), qui connaît bien les chasseurs et les visiteurs de sa région, a indiqué que « longtemps, les bergers ont servi de guides aux chasseurs, pour leur faire connaître les endroits de reproduction de certains oiseaux ».
Il affirme, que le nombre d’Outardes Houbara dans la région, que le groupe touristique Qatari a cherché à chasser, dernièrement, ne dépasse pas les 10. Cet oiseau privilégie les régions où les arbres restent vivaces tout au long de l’année, et la terre est caillouteuse. Il se reproduit autour de l’Oued Sehili et Chott Gharsa, à l’Est jusqu’au frontière algérienne et il niche dans les dunes.
Alors que des activistes de la société civile à Tozeur ont lancé une campagne contre ce braconnage et que certains ont porté plainte devant la justice contre ces braconniers, Abdelhafidh explique cette situation par « la coopération entre les deux pays, sous l’égide des autorités centrales, en contrepartie d’investissements et de financements ».
Mohamed Dabbabi, directeur du service des forêts a Tozeur, a indiqué que les efforts déployés depuis 2011 ont permis de saisir des faucons et de dresser des procès verbaux à l’encontre de braconniers venant du Qatar et du Koweït, et de restreindre le champ d’action des collaborateurs avec ces derniers, parmi les habitants de la région.
Il a fait savoir que l’Outarde Houbara a pu se multiplier récemment, au nord du gouvernorat de Tozeur, grâce à l’interdiction de sa chasse, durant de nombreux années et une surveillance plus étroite des chasseurs.
Pour certains activistes de la société civile, l’éradication de braconnage ne peut se faire que par des lois répressives et en déléguant les prérogatives d’octroi ou non, des permis de chasse aux autorités et services régionaux, surtout lorsqu’il s’agit de personnes étrangères.
PS : Les photos sont prises à l’aéroport de Tozeur, selon le président de l’association « Tunisie Écologie ».