Dans une interview accordée au principal quotidien italien, le chef du parti islamiste Ennahda brandit la menace du chaos et du terrorisme dans un appel de détresse à l’Europe et l’Italie pour sauver la démocratie en Tunisie en péril, selon ses dires.
La meilleure ! Ghannouchi al Corriere: «Se l'Italia non ci aiuta a ritrovare la democrazia, decine di migliaia di migranti pronti a partire» https://t.co/eX4hY6Xwl1
— driss hajer (@drisshajer) July 30, 2021
« Nous sommes tous dans le même bateau. Nous, Tunisiens, l’Europe, et en particulier vous, Italiens. Si la démocratie n’est pas rétablie en Tunisie dès que possible, nous sombrerons dans le chaos.
Le comble de l'indécence. Ghannouchi au journal italien Corriere della sera : "Si l'Italie ne nous aide pas à retrouver la démocratie, des dizaines de milliers de migrants sont prêts à partir".https://t.co/HPCDXhxzYK
— Sarah Ben Hamadi (@Sarah_bh) July 30, 2021
Le terrorisme peut se développer, la déstabilisation poussera les gens à partir. « Plus de 500.000 migrants tunisiens pourraient tenter de rejoindre les côtes italiennes dans les jours qui viennent, » ajoute t-il
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الغنوشي في ال Corriere della Sera
إذا الحكومة الإيطالية ما تتدخلش، خمسمائة ألف مهاجر لا شرعي، توانسة و أفارقة، باش يهجمو على إيطاليا.
ما عنا حتى مسؤولية في الغضب الشعبي: حكمنا عامين فقط و حققنا 3 بالميا نمو اقتصادي
شعبيتنا تشهده لها 200 ألف متظاهر خرجو مساندة لينا في فيفري— Nadia chaabane (@nadiachaabane) July 30, 2021
Rached Ghannouchi, 80 ans, chef du parti islamiste Ennahda, est aujourd’hui au cœur d’une tempête politique déclenchée dimanche dernier par le président Kais Saied avec le choix de démettre le gouvernement et de geler le parlement pendant au moins 30 jours.
Fraîchement sorti de l’hôpital pour être soigné par le Covid-19 qui hante tout le pays, ses paroles sont claires et inquiétantes. Hier, nous l’avons rencontré pendant quarante minutes dans son bureau, précise le principal quotidien italien.
Que pensez-vous de la décision du président Kais Said?
« Nous rejetons toutes ses décisions. Il a commis des erreurs très graves, c’est un coup d’État, il a agi contre la Constitution. Il est hors-la-loi en voulant détenir lui-même les trois pouvoirs : l’exécutif, le législatif et le judiciaire. »
Qu’est-ce que vous comptez faire ?
« Nous résisterons par tous les moyens pacifiques et légaux. Nous nous battrons pour le retour de la démocratie. Il doit comprendre que le parlement doit revenir au centre des mécanismes décisionnels de l’État. »
Avez-vous des contacts avec lui?
« Pas encore. Mais je vais essayer. L’impasse peut encore être résolu par le dialogue. Quoi qu’il en soit, il faut lui dire que chaque gouvernement ou premier ministre qu’il désigne doit être validé par le parlement actuel. Il n’y a pas d’autre voie. »
Mais il semble que la position du président est approuvé par une grande majorité de la population. Les gens accusent Ennahda et les autres partis de corruption et d’avoir causé la plus grande crise économique que le pays a connu et surtout un échec cuisant face à la crise sanitaire.
« C’est des accusations sans fondement. C’est Kais Said lui-même qui a choisi l’an dernier Hichem Mechichi, au poste de premier ministre pour le limoger après, nous n’avions aucun ministre dans ce cabinet. Nous avons accepté de le soutenir uniquement pour éviter un vide institutionnel. Nous n’avons aucune responsabilité dans la gestion des affaires économiques et l’effondrement du système de santé. »
Comment expliquez-vous la forte colère populaire contre vous?
« Je ne nie pas l’existence de cette colère. Le chômage et le coût élevé de la vie empoisonnent la coexistence civile. Les Tunisiens ne sont pas contents, c’est évident. Le Covid-19 a rendu tout plus difficile. Mais ici, les médias et surtout les médias sociaux ont une lourde responsabilité dans la manipulation du ressentiment.
Un peu comme en Grande-Bretagne avec le Brexit et avec le rôle de désinformation inspiré par Moscou pour faire gagner Trump contre Mme Clinton. Saied s’est imposé avec son populisme en exploitant le mécontentement. »
« L’opinion publique a oublié que de 2011 à aujourd’hui nous n’avons dirigé le gouvernement que de 2012 à 2013, deux années sur dix. Nous avons pu ramener la croissance économique à plus 3 %, aujourd’hui nous sommes à moins 8 %, soit une baisse de 11 points. »
« Notre popularité reste très élevée, comme en témoigne le fait qu’au moins la moitié des conseillers municipaux à travers tout le pays sont membres de notre parti. Le 27 février dernier, plus de 200.000 personnes ont défilé à Tunis en soutien à Ennahda ».
Voyez-vous un problème de violence dans l’horizon?
« Bien sûr, si le coup d’État se poursuivait et si la police devait recourir à des moyens dictatoriaux, y compris la torture et les assassinats, je ne l’exclus pas du tout. Nous ferons tout pour éviter cela, mais nous ne pouvons garantir que cela n’arrivera pas. »
« En ce moment-là, tout le bassin méditerranéen en sera investi d’urgence. La France et l’Italie seront également en première ligne pour assurer leur sécurité afin de contrôler le flux croissant de migrants sur les bateaux. »
Comment l’Italie peut-elle essayer d’intervenir ?
« Votre gouvernement, avec l’Europe, doit nous aider à restaurer la démocratie et notre souveraineté. Vous avez les outils pour le faire. Votre pression diplomatique sur le président Saied et son entourage est nécessaire. Tous ensemble, nous devons absolument empêcher l’anarchie et la violence d’affecter la Tunisie ».